[document] Chaque semaine dans Libération, coup d’œil sur l’actualité poétique. Ce lundi, une autrice italienne oubliée.

Par Guillaume Lecaplain — 10 février 2020 à 06:57

C’est la première fois que ses poèmes sont publiés en français. Fabrizia Ramondino a pourtant écrit de la poésie tout au long de sa vie, et son anthologie, Per un sentiero chiaro (Par un sentier clair) a reçu le prix Pasolini l’année de sa sortie en Italie, en 2004.

Qui est Fabrizia Ramondino ? Née à Naples en 1936, morte en 2008 à Gaète, en Italie elle est connue pour ses romans (qui évoquent notamment ses souvenirs d’enfance à Majorque), mais aussi pour ses ouvrages sociologiques, comme sur son expérience auprès du planning familial ou dans un hôpital psychiatrique. Elle a par ailleurs été co-autrice, avec Mario Martone, du scénario du film Mort d’un mathématicien napolitain (1992). «A bien des égards, pour le réalisme visionnaire, la narration de son enfance, et surtout pour sa capacité à élever les souvenirs individuels au rang de fresques historiques, Fabrizia Ramondino se situe sur la ligne qui va des grandes Elsa Morante et Anna Maria Ortese et arrive à Elena Ferrante», juge Annalisa Andreoni dans le HuffPost italien

L’autrice étant quasi inconnue en France, il a fallu l’occasion d’une lecture lors du Marché de la poésie de Paris en 2018 pour qu’un recueil paraisse dans notre langue. Emanuela di Schiano Pepe et Benoît Vincent avaient alors mis en mot des traductions de Ramondino. «De retour à notre stand […] avec Virginie Gautier et Philippe Aigrain nous nous étions dit, mais ce sont des poèmes magnifiques ! Il faut les publier», raconte l’éditeur Publie.net.

Le résultat est un recueil qui couvre quasiment toute la vie de son autrice (de 1956 à 1992), avec des textes la plupart du temps très courts (à l’exception notable de l’épique A la guerre) et usant d’une langue très concrète, riche en images, «impoétique et bizarre», dit Ramondino. Voici la traduction du poème qui donne son nom au recueil, suivie de sa version originale.


Retours

Il me comble de joie
ce bruit de pluie
nocturne.

Retour aux maisons de l’enfance
aux murs fragiles et blancs
ouverts aux plans de l’aube
épuisés face à la liberté des midis.

C’est ma sœur
cette eau
qui descend du ciel
et s’ouvre à la terre.
Mes frères
l’éclair
et le tonnerre.

Comme c’est doux de s’assoupir
entre
vos chères voix.

Ritorni

Mi riempie di gioia
questo rumore di pioggia
notturno.

Ritorno alle case d’infanzia
dai muri fragili e bianchi
aperti ai piani dell’alba
spossati alla libertà dei meriggi.

È sorella
quest’acqua
che scende dal cielo
e si apre alla terra.
Fratelli
il fulmine
e il tuono.

Mi è dolce assopirmi
frammezzo
alle voci dei cari.

Retours, de Fabrizia Ramondino (traduit par Emanuela Schiano di Pepe), éditions Publie.net, 152 pages, 14 euros (version papier) ou 5,99 euros (numérique).